samedi 13 septembre 2008

La détention dans les opérations de paix - approche pratique: Jérôme Cario

La détention dans les opérations de paix / approche pratique

Lieutenant-colonel Jérôme CARIO
Chef du bureau etudes / Conseiller juridique
Centre de Doctrine d’Emploi des Forces France

« … De plus en plus, nos armées interviennent dans des situations complexes, où parfois le droit positif n’apporte pas toutes les réponses. L’éthique et la déontologie militaire deviennent alors le fondement de leurs décisions. (…) L’éthique du militaire se nourrit de sa culture, d’abord, de son expérience aussi. On touche ici au cœur de la formation des armées. Elle se doit d’enseigner les règles de conduite à tous. Elle a parallèlement la responsabilité de forger des consciences individuelles fortes. (…) Au delà des acquis(…), la réaction personnelle de chacun face à l’événement relève de l’éthique militaire. (…) L’armée ne transige pas avec ses valeurs, son éthique n’est pas à géométrie variable, mais bien la pierre angulaire de la conscience du soldat, et de son action. »
Mme Michèle Alliot-Marie, ancien ministre de la Défense.

Introduction

Si les Conventions de Genève de 1949 sont le noyau contemporain du droit international humanitaire qui place le respect de la personne au centre de notre système de valeurs, la prise en compte des prisonniers de guerre, des personnes capturées, est bien plus ancienne. La guerre inhumaine et odieuse
appartient à tous les temps ; depuis que l’homme existe, la guerre existe et depuis que la guerre existe,
l’homme cherche à en limiter les conséquences. En effet, il faut relever très tôt des tentatives suscitées
par un esprit de charité, d’humanité, reconnaissant des limites à la conduite de la guerre.

Le droit des conflits armés a toujours axé ses textes sur la distinction entre combattants et non combattants. Seul le combattant régulier a le droit de se battre et peut être combattu. Le civil ne peut participer au combat. A cette condition, il ne peut faire l’objet d’une attaque.

Capturé, le combattant ne peut être sanctionné pour avoir porté les armes et provoqué la mort d’autrui. Prisonnier de guerre, il sera incarcéré, non pour le punir, mais dans le seul but de l’empêcher de participer encore aux opérations militaires.

La situation est fondamentalement différente pour le civil qui prend « irrégulièrement » part aux combats. Son acte n’est pas justifié. En provoquant la mort d’une personne, il commet une infraction au droit pénal ordinaire, - homicide volontaire, voire meurtre, et peut être condamné de ce fait aux peines les plus lourdes prévues par le Code Pénal. De plus, il ne bénéficiera pas du statut privilégié réservé aux prisonniers « de guerre » mais sera considéré comme un prisonnier de droit commun.

En cas de doute pour le militaire, qui n’est pas un juriste, quant au statut d’un civil pris les armes à la main qui se prétend membre d’un mouvement de résistance ou de guérilla ou rebel, la force armée qui effectue sa capture doit provisoirement traiter l’intéressé comme un prisonnier « de guerre » en attendant qu’un tribunal compétent se prononce sur le statut exact de cette personne.

Quoi qu’il en soit, les normes que se fixe un pays pour le traitement des personnes capturées sont une mesure de sa civilisation et de son humanité qui est ainsi exposée à la vue de tous.

I. Le cadre d’emploi des forces aujourd’hui

Avant tout j’aimerais revenir sur le cadre politico-juridique aujourd’hui d’emploi des forces. En effet les opérations réalisées dans la phase de « stabilisation », dans lesquelles les forces armées sont engagées, s’inscrivent dans une situation de guerre non déclarée au sens juridique du terme. Cependant les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité, le sont très souvent sous chapitre VII de la charte des Nations unies. C’est-à-dire que ces résolutions autorisent le recours à la force dans le cadre d’une mission coercitive (peace enforcement) ou de reconstruction (peace building).

Ainsi, la force qui se retrouve dans une situation de paix « juridique » avec des périodes de conflits armés et des périodes de paix, soit simultanément, soit en alternance, doit être en mesure d’appliquer des règles simples et adaptées en matière de traitement des personnes capturées, afin d’éviter toute infraction ou exaction à leur égard.



Toujours est-il, qu’elle soit constituée en armée nationale d’un État officiel, en armée régulière d’un gouvernement non reconnu par l’adversaire, ou en un mouvement de résistance, de guérilla, de rebels ou de milices, toute « force armée » doit répondre aux quatre mêmes conditions pour que ses membres soient reconnus comme combattants et donc prisonniers en cas de capture.

De façon générale, quatre conditions doivent être impérativement respectées par toute force armée qui veut que ses membres, en cas de capture par l’ennemi, ne puissent être condamnés pour avoir pris les armes :
- appartenir à une organisation militaire ;
- avoir un commandement responsable ;
- respecter les règles du droit des conflits armés ;
- se distinguer de la population civile.





- Appartenir à une organisation militaire
Les unités doivent posséder une structure et une organisation de type militaire. Ceci implique une hiérarchie et une discipline effectives.
La constitution occasionnelle de civils en groupes désordonnés ne peut pas suffire pour reconnaître la qualité de combattants. De la même façon, un civil isolé qui entreprend individuellement des actions de lutte, de sabotage ou de harcèlement de l’ennemi, ne bénéficie pas de cette protection.

- Avoir un commandement responsable
Toute force armée doit être placée sous un commandement responsable des actes de ses subordonnés devant un gouvernement ou une autorité politique : gouvernement provisoire, gouvernement en exil, autorité de mouvement de libération, etc.
Il importe peu que cette autorité soit ou non reconnue officiellement par la partie adverse. L’essentiel est qu’une responsabilité politique et juridique soit assumée pour les actes commis par les membres de la force armée, notamment pour les actes contraires au droit des conflits armés et plus précisément dans les limitations des méthodes et moyens de combat.

- Respecter les règles et coutumes de la guerre
Ce commandement militaire doit faire respecter par ses troupes les principes du droit des conflits armés. Une violation occasionnelle d’un de ces principes par un ou plusieurs combattants ne suffit pas à faire présumer que le mouvement s’est soustrait à son obligation générale. Tel serait le cas si un crime de guerre est commis isolément par un membre d’un mouvement de résistance organisé. Un seul manquement commis à l’occasion d’un grand nombre d’opérations militaires et pendant une longue période ne permet pas de refuser à l’ensemble des membres de ce mouvement le statut de combattant.
Il faut ici souligner que le combattant, auteur d’une infraction au droit de la guerre, conserve malgré tout son statut de prisonnier s’il est capturé. Il sera bien sûr poursuivi et condamné pour le crime de guerre commis. Certains Etats ont à ce sujet une conception plus restrictive.
En effet, dès la ratification des conventions de Genève, différents pays ont fait savoir que le combattant, même régulier, qui commet un crime de guerre ne bénéficiera pas du régime privilégié reconnu aux prisonniers durant leur procès et l’exécution de leur peine : droit à la correspondance avec l’extérieur, droit à des colis de secours, droit de déposer des plaintes, intervention du CICR et des puissances protectrices, assistance d’un défenseur, d’interprètes, de témoins… Ces Etats réservent donc au combattant criminel de guerre le régime qu’ils appliquent aux condamnés à une peine de droit commun.

- Se distinguer de la population civile
Il est enjoint aux membres des forces armées, régulières ou non, de se distinguer aussi clairement que possible de la population civile. C’est en pratique, le port de l’uniforme pour les forces armées «classiques », ou un signe distinctif fixe et reconnaissable à distance pour les mouvements de résistance ou de libération organisés.
Le port d’un signe distinctif ou d’un uniforme ne peut pas toujours être permanent, par exemple, en territoire occupé. Néanmoins, les combattants sont tenus de se distinguer de la population civile lorsqu’ils prennent part à une attaque ou à une opération militaire préparatoire à une attaque.
On pense ici à certaines actions de guérilla en territoire occupé, embuscade, sabotage, combat de rue, lutte de maquis... Dans certains cas extrêmes, il y a des situations où, en raison de la nature des hostilités, guérilla urbaine ou sabotage urbain, un combattant armé ne peut se distinguer de la population civile. Dans ces conditions, les combattants doivent porter les armes ouvertement pendant- chaque engagement militaire et le temps où ils sont exposés à la vue de l’adversaire alors qu’ils prennent part à un déploiement militaire préalable au lancement d’une attaque à laquelle ils doivent participer.
D’aucuns affirment que l’arme doit être portée ouvertement au moins à partir du moment où elle est chargée. L’ampleur de cette obligation de se comporter ouvertement en belligérant est à apprécier en fonction des circonstances propres à chaque cas. Le principe général reste la nécessité de ne pas mêler la population civile aux combats. Le non-respect de cette dernière obligation de distinction de la population est malheureusement une méthode souvent utilisée.

Quoi qu’il en soit, le texte du premier protocole traitant des groupes armés n’aboutit en aucune façon à reconnaître le statut de combattant aux auteurs d’actes « terroristes », comme cela a parfois été avancé de façon erronée. La protection reconnue par le premier protocole à certains mouvements de guérilla ou de résistance armée ne trouve à s’appliquer que dans des situations de conflits entre différents Etats ou au sein d’un Etat. La violence de nature terroriste échappe à cette protection.
SIRPA : Côte d’Ivoire
Les acteurs d’actions terroristes s’attaquent par la violence à des personnes civiles étrangères aux mobiles qui les inspirent pour répandre la terreur dans les populations. Ces actions se placent radicalement en marge du droit des conflits armés.

En effet, ce droit des conflits armés, dans son volet jus in bello, interdit de façon absolue, même à titre de représailles, l’attaque sous toutes ses formes des personnes civiles et, en particulier, le recours à la terreur comme méthode de guerre. Le premier protocole est à ce sujet très clair. [1] Pour bénéficier du statut de combattant et donc de prisonnier dès la capture, toutes les personnes qui prennent part à un combat doivent se structurer afin de pouvoir respecter les règles du droit des conflits armés, ce qui n’est en aucune façon le cas des acteurs terroristes qui relèvent pour leurs actes du droit pénal du territoire sur lequel ils ont commis leurs crimes.

II. Des personnes capturées dans les opérations de paix ou missions de stabilisation

Les personnes qui se rendent aux forces armées au cours d’un engagement opérationnel ou durant une action armée deviennent des prisonniers au sens des conventions de Genève. En revanche les personnes « civiles » s’opposant à la mission des forces armées peuvent être « capturées » au cours de l’opération. Ces personnes capturées sont mises en détention ou en rétention, seulement si les règles d’engagement le permettent. La garde, le contrôle et les soins des détenus sont de la responsabilité de l’Etat hôte.

Quand celui-ci est inexistant ou entre des mains malveillantes, la force a une responsabilité de protection de ces individus. Aussi, une classification des personnes capturées doit permettre à la force d’adopter un comportement strictement règlementaire.
Le terme « capturé » couvre plusieurs catégories de personnes. Les prisonniers sont généralement traités d’une manière uniforme et constante, la seule exception réelle étant les besoins d’interrogation. Au contraire, les personnes capturées peuvent être traitées de manière différente selon le motif de leur arrestation. La nécessité de traiter certaines personnes capturées différemment n’autorise pas à appliquer des normes différentes. Que la personne soit gardée par les forces armées ou remise à la police civile, elle doit, à tout moment, être traitée selon les normes fixées pour les prisonniers dans la IIIème Convention de Genève.

Cinq catégories de prisonniers peuvent être ainsi définies :[2]

- Catégorie 1. Ce sont les belligérants, y compris les civils armés, qui commettent des actes hostiles, démontrent des intentions hostiles ou s’opposent d’une autre manière à l’action des forces amies dans la conduite des opérations.
- Catégorie 2. Ce sont les belligérants ou les non-belligérants soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou d’autres violations graves du droit humanitaire et des droits de l’homme.
- Catégorie 3. Ce sont les non belligérants qui commettent une agression contre un membre quelconque des forces amies, qui tentent de voler ou de piller des biens protégés ou des biens des forces amies, ou qui commettent des infractions graves définies par le commandant de la force.
- Catégorie 4. Ce sont les non belligérants qui s’introduisent ou tentent de s’introduire sans autorisation dans une zone contrôlée par les forces amies, ou qui s’opposent à la progression des forces amies par des manifestations, des émeutes ou d’autres moyens hostiles.
- Catégorie 5. Ce sont les non-belligérants retenus pour des raisons de sécurité sans être soupçonnés d’activités criminelles.

III. - La responsabilité du commandement à l’égard des personnes capturées

Si l’on doit être conscient que la « judiciarisation » des opérations est un fait, il ne faut pas perdre de vue le cadre de l’action. Cette donnée doit naturellement être prise en compte par le militaire dans les phases de planification et de conduite des opérations. Même si nos situations de conflits armés ne sont pas des guerres, ni en droit, ni en intensité, il faut préciser que les savoir-faire et savoir-être du militaire sont pour une large part toujours identiques, inspirés du droit international humanitaire, du respect des personnes et en particulier de l’application de la IIIème convention de Genève, individuellement et collectivement. Simplement, les contextes dans lesquels les soldats français sont aujourd’hui impliqués sont complexes, où notamment l’ennemi d’un jour est celui avec qui l’on coopère le lendemain.
Cela implique plus d’exigence sur ce que nous devons être capables de mettre en œuvre, exigence d’abord envers nous-mêmes, chacun à notre place, exigence également de nos chefs (clarté des ordres, recul nécessaire) et exigences envers nos subordonnés (compréhension, application, exécution).
C’est-à-dire :
- maîtriser la force, cela a toujours été la marque d’un vrai soldat et surtout ne pas se laisser emporter par la haine et la violence ;
- savoir soigner, capturer, endurer, ravitailler, respecter son adversaire ;
- commander : c’est aussi gérer ses subordonnés après un "accrochage" ;
- soutenir le moral d’un subordonné ;
- rassurer la population ;
- gérer les tensions.

C’est la part de responsabilité du chef militaire sur le terrain qui conduit l’action, de décliner, d’inculquer aux hommes et de faire appliquer chaque fois de façon particulière ces principes fondamentaux, malgré toutes les difficultés liées aux situations toujours complexes et d’une extrême diversité. Une chose cependant demeure : le chef en opérations, quel que soit son niveau, doit décider, souvent dans l’urgence. Cela comporte évidemment des risques, mais représente également la grandeur du métier, qui est davantage qu’un métier.

Les actions menées doivent être légalement irréprochables : libération, interrogation, détention, sont conduites de façon militaire, certes, mais doivent posséder une base juridique irréfutable et connue.
Détention, internement ne sont pas synonymes, « personnes capturées » et « prisonniers de guerre » non plus. En revanche, une fois encore, cela ne change concrètement rien à leur traitement par un militaire français. Ce choix nécessaire et cette coopération avec le droit national et le droit international humanitaire donnent assurément la « force morale » immédiate au décideur sur le terrain, qui se sent encore plus légitime. Il n’en est que plus serein pour poursuivre l’action de combat ou celle plus prosaïque du traitement des personnes capturées. Il faut aussi enquêter pour déterminer l’historique des événements, savoir qui a fait quoi, avant de discriminer. Dans l’action de discrimination, il y a un choix, donc une responsabilité : pourquoi libérer tel détenu et livrer tel autre ?

Qui garantit que la population ne va pas retrouver dans un mois telle personne « libérée » et la massacrer ? Qui dit que la force ne livre pas un pauvre « bougre » à la probablement très « dure » justice gouvernementale...?

Et pourtant, c’est bien le chef militaire qui prend au final de telles décisions. Avec, sa conscience, sa culture et ses règles militaires, il « dit » le droit, il « est » le droit ou dit autrement « le droit ne dit pas tout ». C’est bien en cela qu’il est d’ailleurs « l’ambassadeur de valeurs », humanistes en l’occurrence. Il s’agit, sur un plan moral, de choisir entre le « bien absolu, la règle absolue », choix théoriquement idéal, et la volonté de « tendre vers le bien ». C’est bien la réalité du chef sur le terrain.

- Traitement de la personne capturée ou du prisonnier

Si le facteur « prisonnier » doit être pris en considération par tous les échelons de commandement dans tous les aspects du processus de la planification opérationnelle, c’est dans la conduite que le commandement porte une très grande responsabilité. En effet, il est de son devoir de respecter et faire respecter les règles de droit dans les opérations. Pour répondre à cette exigence, il doit connaître ses exactes responsabilités à l’égard des personnes capturées ou des prisonniers et de leur gestion.

Les principales responsabilités du commandant à l’égard des personnes capturées sont les suivantes[3] :
- Chaque membre de la force doit se conformer aux dispositions des Conventions de Genève (CG) et du premier Protocole additionnel (GPI) ;
- les prisonniers et les détenus éventuels capturés par la force doivent être traités en conformité avec le droit international humanitaire et en application des limitations des règles opérationnelles d’engagement (ROE) ;
- une organisation de traitement des prisonniers doit être en place dans la formation, avec un équipement et une capacité correspondant au nombre prévu ou prévisible de prisonniers ;
- les prisonniers doivent être évacués au plus tôt de la zone des combats sans être exposés au danger pendant l’attente de leur évacuation.

Bien que le commandant porte la responsabilité globale du traitement des prisonniers, il doit organiser cette responsabilité de certains aspects du processus avec ses subordonnés. Ce principe s’applique à tous les niveaux.[4]


Conclusion

Aujourd’hui, on peut se demander ce qu’il reste de pertinence aux règles relatives aux prisonniers. En effet, ces règles n’existent que parce que le combattant accepte le risque de se faire tuer. Et ce risque est réel car le combattant se doit de se distinguer des civils. Il ne lui suffit pas de se dire combattant, il doit visiblement être combattant. C’est ce que prévoient en tout cas les règles de la IIIème Convention.
Même si l’évolution des conflits a influencé l’évolution des règles, il n’en demeure pas moins que cette visibilité doit être effective au minimum durant chaque engagement militaire et durant la période qui précède le lancement de l’attaque.
Cette exigence est l’une des conditions qui permettent de bénéficier du statut de prisonnier. L’autre condition, essentielle et préalable, est que le conflit armé soit international. Ces deux exigences limitent beaucoup les possibilités d’application de la IIIème Convention. En effet, la majeure partie des conflits actuels prend la forme de conflits internes, c’est-à-dire de conflits qui se déroulent sur le territoire d’un seul État et qui opposent les forces armées régulières et des groupes armés dissidents ou des groupes armés entre eux. Pour ces conflits, les États n’ont évidemment pas souhaité être obligés de respecter un statut protecteur pour des individus qui ont pris les armes contre les forces régulières et qu’ils considèrent comme des criminels.
Dans les conflits armés non internationaux, les personnes détenues restent cependant sous l’empire de ce qu’on appelle l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et au second protocole additionnel aux Conventions de Genève.
Cette « convention en miniature » reprend des garanties minimales sur le traitement des personnes détenues. Même dans les rares cas de conflits internationaux, de nombreux refus d’application minent la force de la IIIème Convention. On invoque la notion de « terroriste », de « combattants illégaux », pour refuser le bénéfice de ce statut protecteur. Mais c’est ignorer les règles même de la IIIème Convention. Si le statut de prisonnier est contesté, les règles s’appliquent cependant jusqu’à ce qu’un tribunal compétent ait statué. Si ce statut leur est par la suite refusé par ce tribunal, ces personnes ne tombent alors pas dans une zone de non-droit mais reviennent sous la protection de la IVème Convention, relative aux populations civiles.

Il est donc essentiel de réaffirmer l’applicabilité des règles et d’en faire une interprétation exacte. Il est également permis de s’interroger sur le devenir de ces règles face aux nouvelles formes de conflits mais, à ce jour, rien n’indique que le système juridique actuel (les Conventions de Genève et les législations nationales et internationales) ne permet pas de faire face aux situations même les plus complexes.

Et si la Force ne peut pas remettre les individus appréhendés aux autorités judiciaires locales, il faut impérativement qu’un « tribunal compétent », reconnu et accepté à la fois par les Etats composant la Force multinationale et par l’Etat hôte, puisse être mis en place. Il s’agit là d’une responsabilité politique que le commandement militaire doit impérativement obtenir, soit au niveau international soit au niveau national.
Enfin ce n’est que par une connaissance précise de ces règles à l’égard des personnes capturées et une volonté politico-militaire de les faire appliquer que l’on évitera crimes et homicides.


« … Ceux qui pourraient penser que le droit des conflits armés
serait de l'ordre du discours, quand l'action, elle, s'inscrirait
dans des réalités concrètes d'inspiration bien différentes se
trompent dramatiquement et font fausse route. »
Général d’armée Bruno CUCHE, ancien CEMAT



[1] On observe que les guerriers non-conventionnels s'autorisent tout ce qui est, justement et formellement, prévu et interdit par les conventions relatives à la conduite des hostilités dans les conflits armés (jus in bello).
Ainsi le droit des conflits armés a prévu la quasi-totalité des actes de guerre que ces acteurs de violence font subir à leurs victimes :
- obligation d'éloigner les objectifs militaires des zones peuplées (Convention de Genève III, (G III)) ;
- attaques interdites des biens civils (article 52 du GP I) ;
- attaques directes interdites des personnes civiles (articles 48 et 51 GPI) ;
- utilisation interdite de non-combattants pour protéger des objectifs militaires ;
- attaques indiscriminées interdites (articles 51 § 4 et 5 GP I) ;
- attaques interdites des localités non défendues (article 59 §1 GPI) ;
- attaques interdites des zones neutres, démilitarisées et/ou sanitaires (articles 14 et 15 de la Convention
de Genève IV et 23 de Genève I ; (GIV et GI) ;
- attaque interdite des biens indispensables à la survie de la population civile, des biens culturels, des
lieux de culte (articles 53 et 54 GP I) ;
- atteintes interdites à l'environnement naturel (article 55 GP I) ;
- enrôlements interdits des enfants (articles 53 §1 GI) ;
- attaques interdites des ouvrages d'art contenant des forces dangereuses (article 56 GPI)

[2] Catégories énumérées dans le manuel de doctrine interarmées de la Défense Nationale Canadienne. Traitement des prisonniers de guerre et des détenus. Interrogations et interpellations au cours des opérations internationales / J7 doc4/du 01/08/2004.
[3] Cf Annexe N°1
[4] Cf Annexe N°2

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